Jean Ballandras, Directeur Asie Pacifique chez Akuo

Akuo, ambassadeur de la transition écologique en Nouvelle-Calédonie, fusionne expertise mondiale et engagement local pour un avenir énergétique durable.

Grégoire Asselin
April 17, 2024
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1. Pouvez-vous nous faire une présentation sur Akuo et nous donner quelques chiffres clés ?

Akuo est une société française dont le siège se trouve à Paris, fondée en 2007 dans le but exclusif de produire de l'énergie verte, principalement à travers des projets solaires, éoliens, et de stockage de batteries. Depuis sa création, la société a considérablement évolué, étant présente sur les cinq continents. Nous exploitons des parcs éoliens et des centrales solaires dans divers endroits du monde, notamment en Amérique du Sud, en Afrique et en Asie. Actuellement, notre effectif compte environ 500 employés, et nous gérons des projets en opération totalisant environ 2 gigawatts à l'échelle mondiale.

En ce qui concerne la région Asie-Pacifique, notre expansion a débuté à partir de 2015. Depuis 2017, je suis personnellement impliqué dans des projets en Chine, en Polynésie française, en Nouvelle-Zélande et en Indonésie, impliquant des installations de différentes capacités. Notre activité en Nouvelle-Calédonie illustre bien notre travail. Nous avons mis en place trois petites centrales solaires sur l'île, dont une avec système de stockage, à Boulouparis. Ces projets combinent la production d'énergie renouvelable avec l'agriculture, ce qui est l'un de nos principaux axes en termes de types de projets et de valeurs.

Au sujet des projets en cours de développement, nous avons trois autres projets en Nouvelle-Calédonie : une centrale solaire de 35 mégawatts dans le sud, une éolienne de 30 mégawatts également dans le sud, et une grande batterie de 50 mégawatts à Boulouparis. La Nouvelle-Calédonie se révèle être un terrain fertile pour ce type d'équipements, et nous sommes ravis de voir l'Outre-mer jouer un rôle de premier plan dans l'innovation en matière d'énergie renouvelable.

Les deux projets, la ferme solaire et la ferme éolienne, ont été autorisés à des appels d'offres remportés en 2022, juste après la réouverture post-Covid. Ces projets sont situés à proximité de l'usine du Sud (Prony Resources NC) et sont à des stades différents d’avancement. La ferme solaire, est en phase finale de développement, avec l'objectif de finaliser le financement d'ici la fin de l'année. En revanche, le projet éolien, nécessite des étapes supplémentaires en raison de la complexité des mesures de vent et de productivité, typiques des projets éoliens.

2. Akuo a été désigné lauréat par le Gouvernement de Nouvelle-Calédonie pour la construction et l’exploitation d’une centrale de stockage d’électricité capable de délivrer 50 MW chaque jour pendant 3 heures, tout au long de sa durée de vie (12 ans). Pour cela, Akuo prévoit d’installer plus de 200 MWh de capacité de stockage. Pouvez-vous nous en dire plus sur l’avancement de ce projet?

Le projet de stockage, remporté en août 2023, constitue une initiative ambitieuse pour la Nouvelle-Calédonie. Il s'inscrit dans une stratégie plus vaste visant à une transition énergétique complète pour la Nouvelle-Calédonie. Cette batterie, d'une capacité impressionnante, aura un rôle crucial dans la stabilité du réseau, offrant une régulation précise pour répondre aux besoins fluctuants. Elle représente un atout majeur pour le réseau calédonien, étant capable d'alimenter une ville de 90 000 habitants pendant une heure, ou une ville de 30 000 habitants pendant trois heures, sans interruption ni nécessité de solliciter d'autres sources d'énergie. Il s'agit d'une démonstration concrète de l'efficacité des technologies de stockage, déjà éprouvées dans d'autres régions.

À propos de l'implémentation de cette batterie, elle nécessitera environ 40 conteneurs, avec une modularité qui permet une adaptation facile en fonction des besoins. Chaque conteneur abrite des racks contenant des modules, et leur nombre peut être ajusté en fonction de la capacité désirée. Cette approche permet une mise à l'échelle efficace, offrant une flexibilité et une performance optimales pour répondre aux exigences du réseau calédonien.

En ce qui concerne les scénarios, nous prévoyons de débuter la construction à la fin de l'année, avec une mise en service prévue fin 2025. Actuellement, c'est le calendrier que nous visons, ce qui représente un déploiement relativement rapide.

3. Quels sont les principaux défis auxquels Akuo est confronté dans le contexte actuel de transition énergétique ?

Malgré les changements politiques et les évolutions, nous avons constaté une certaine cohérence dans le soutien au développement de l'écosystème des énergies renouvelables en Nouvelle-Calédonie. C'est un aspect remarquable, car il n'est pas toujours évident de recevoir un tel niveau d'écoute et d'appui des autorités publiques dans d'autres régions. Ce soutien, cette visibilité, sont des facteurs stimulants qui renforcent notre ambition et notre investissement dans la région. Sans ces signaux positifs, il est possible que notre motivation et notre capacité à trouver des solutions optimales ne soient pas aussi élevées. Ce soutien des autorités publiques, cette écoute attentive et cette volonté de comprendre les complexités de l'industrie constituent des atouts uniques pour la Nouvelle-Calédonie. Cela nous permet d'envisager l'avenir avec optimisme et de rechercher des solutions innovantes et performantes. En fin de compte, nous sommes très positifs quant à l'accompagnement que nous recevons ici de la part des autorités publiques, ce qui nous permet d'avancer avec confiance dans nos projets.

4. Combien d’employés avez-vous en Nouvelle-Calédonie ?

Actuellement, nous sommes six en Nouvelle-Calédonie, mais avec les projets en phase de développement dont j'ai parlé, nous devrions logiquement poursuivre notre croissance et renforcer notre présence. La Nouvelle-Calédonie deviendra probablement notre point de départ pour étendre notre rayonnement dans tout le Pacifique sud. Nous avons déjà des implantations à Tonga, et tout ce que nous mettons en place en Nouvelle-Calédonie servira de modèle pour d'autres territoires insulaires du Pacifique.

5. Comment votre expérience dans les environnements cycloniques, influence-t-elle la manière dont vous abordez vos projets en Nouvelle-Calédonie ?

Sur le plan des projets, nous avons une expertise particulière dans les environnements cycloniques, comme en témoigne notre projet éolien en République dominicaine. La Nouvelle-Calédonie devient ainsi notre vaisseau amiral, un exemple concret de ce que nous pouvons réaliser dans d'autres régions. Nous sommes attachés à démontrer la fiabilité de nos équipements et de nos méthodes de gestion des actifs. Nous nous engageons sur la durée, car nous savons que la pérennité de nos installations est cruciale.

Notre premier projet en Nouvelle-Calédonie, réalisé en collaboration avec Jean-Christophe Niautou, aujourd'hui président de la Chambre de l'Agriculture, en est un parfait exemple. Sa ferme agrisolaire est un modèle de réussite, et sa conviction en notre travail est palpable lorsqu'il la présente aux visiteurs. C'est ce genre de partenariats et de réussites concrètes qui nous permettent de développer notre présence, que ce soit en Polynésie française ou ailleurs.

Nous attachons une grande importance à associer les dimensions agricoles aux projets d'énergie renouvelable, car nous savons que dans les îles, ces deux aspects vont de pair. Historiquement, ces communautés étaient autonomes sur le plan énergétique il y a un siècle. Cependant, avec l'introduction de la modernité, cette autonomie a été sérieusement compromis. Nous cherchons donc à rétablir cette autonomie énergétique tout en favorisant une plus grande autonomie agricole.

6. Comment votre entreprise collabore-t-elle avec les communautés locales pour atteindre des objectifs environnementaux et sociaux ?

Sur nos projets, comme celui du Sud solaire et éolien, nous travaillons avec notre fondation pour sensibiliser les enfants et les écoles à la transition énergétique. Nous avons construit plusieurs écoles bio-climatiques et élaboré des programmes pédagogiques adaptés aux enfants. Nous croyons que les jeunes générations joueront un rôle essentiel dans la promotion et l'incarnation de cette transformation. C'est pourquoi nous associons systématiquement notre fondation à nos projets, en travaillant avec des associations pour transmettre ce message éducatif. Nous considérons l'éducation comme le socle sur lequel repose toute transformation durable.

7. Quelle est votre message final aux lecteurs de Le Point qui envisagent la Nouvelle-Calédonie comme une destination potentielle d’investissement, de tourisme ou qui veulent s’y installer ?

Le message fondamental pour l'Outre-mer est d'être curieux et de dépasser les clichés. Il y a des réalités dans l'Outre-mer, comme en Nouvelle-Calédonie, qui diffèrent de celles de la métropole, notamment en ce qui concerne la perception des enjeux climatiques. Les territoires insulaires sont plus sensibles aux changements climatiques en raison de leur exposition constante aux éléments. Leur capacité à gérer ces défis climatiques et énergétiques est donc un aspect intéressant à explorer lorsqu'on décide de voyager ou d'investir.

Il est également important de connaître l'histoire de ces territoires. Par exemple, peu de gens savent que pendant la Seconde Guerre mondiale, la Nouvelle-Calédonie a accueilli près d'un million d'Américains, ce qui a eu un impact significatif sur la culture et la mentalité locales.

Ces histoires alimentent les mentalités et les perceptions, et il est dommage qu'elles ne soient pas mieux comprises. Il est donc essentiel d'être curieux, d'explorer la diversité et le mélange culturel de ces territoires. Au-delà des oppositions, il y a souvent des rapprochements et des leçons à tirer de cette diversité.