Interview avec Brice Kiener, Directeur Général de Port Autonome de Nouvelle-Calédonie

Le Port Autonome de Nouvelle-Calédonie (PANC) : Un Hub Maritime en Expansion

Grégoire Asselin
April 18, 2024
Download the full report

1. Pouvez-vous nous faire une présentation sur la PANC et nous donner quelques chiffres clés ?

Le Port Autonome de Nouvelle-Calédonie, désigné par l'acronyme PANC, occupe une place prépondérante en tant que deuxième plus grand port de croisière en France après Marseille, ainsi que le second port d'outre-mer en termes de volume. Chaque année, il gère près de 5 millions de tonnes et 100 000 conteneurs, avec un budget dépassant les 5 milliards de francs CFP.

Durant la période 2017-2018, le port a enregistré un pic d'activité en Nouvelle-Calédonie, marqué par un afflux record de croisiéristes approchant les 500 000, ainsi qu'un trafic commercial des plus intenses. Depuis lors, l'activité croisière est restée relativement stable, affichant une légère croissance visant à retrouver les niveaux pré-Covid. Cependant, l'activité du fret commercial est étroitement corrélée à la consommation locale, et donc sujette à des fluctuations en conséquence.

En 2017, la cessation de la perception d'une taxe connue sous le nom de "taxe de péage" a engendré une baisse significative des recettes portuaires, passant de 1,2 milliard à 450 millions de francs CFP, impactant ainsi sa situation financière et posant des défis majeurs pour l'année 2024.

Doté d'infrastructures portuaires modernes et de processus efficaces, le PANC est en mesure de traiter efficacement les marchandises et de fournir des services logistiques de qualité, le positionnant ainsi comme un acteur compétitif dans la région du Pacifique Sud. Cependant, des efforts supplémentaires sont nécessaires pour optimiser ses ressources et renforcer son attractivité.

2. Comment le PANC compte-t-il relever les défis de la saisonnalité des croisières, de l'augmentation du nombre et de la taille des navires, tout en préservant son attrait touristique et en atténuant les risques environnementaux ?

En tant que port de croisière, Nouméa connaît une saisonnalité marquée, avec un pic d'affluence entre novembre et mars. L'amélioration de l'expérience touristique globale est essentielle pour attirer davantage de navires de croisière et rester compétitif par rapport à d'autres destinations de la région.

En 2017, le nombre de croisiéristes approchait les 500 000, dont environ 200 000 faisaient escale à Nouméa, les autres étant répartis sur les îles avoisinantes. Cependant, la croissance des navires de croisière a entraîné des contraintes d'amarrage, avec moins de 20 % des navires pouvant accoster dans la petite rade.

Malgré ces défis, en 2023, le nombre de croisiéristes a dépassé celui de 2019, bien que le nombre de navires ait diminué mais leur taille augmentée. Cette croissance n'est cependant pas sans risque, car une réputation négative liée à l'impact environnemental des croisières peut dissuader les visiteurs. La perte de seulement 10 bateaux pourrait représenter une réduction potentielle de 50 000 passagers, soit 10 % de réduction.

Il est crucial d'engager un dialogue avec les compagnies de croisière pour améliorer notre attractivité. Bien que le port possède des atouts tels que sa sécurité et ses infrastructures, des investissements sont nécessaires pour accueillir davantage de croisiéristes.Dans un autre domaine, celui de la grande plaisance, il faudrait développer des installations pour accueillir de grands yachts, dans le but d'attirer les clients et les équipages à faire escale dans notre région.

Cependant, des défis persistent, notamment en ce qui concerne les croisières de luxe. Bien que le port dispose des infrastructures nécessaires, il est crucial d'assurer la stabilité politique et sociale pour garantir le succès de telles escales. Des incidents passés ont mis en évidence l'importance d'une communication efficace avec la population locale.

3. Quelles mesures le Port Autonome prévoit-il pour équilibrer les flux de conteneurs entre importations et exportations, tout en consolidant son statut de hub régional et en adaptant ses infrastructures aux évolutions de l'industrie maritime ?

En Nouvelle-Calédonie, le nombre de conteneurs a légèrement diminué depuis 2017, avec environ 55 000 en 2023. De plus, un nombre significatif de conteneurs repartent vides en raison du déséquilibre entre les importations et les exportations.Nouméa et Papeete ont des flux similaires, avec environ 100 000 conteneurs en entrée et sortie, mais Papeete enregistre moins d'exports. Nous importons principalement des biens et exportons peu, malgré notre industrialisation.

Cependant, entre 2000 et 2021, la capacité de transbordement des conteneurs a presque doublé à Nouméa, ce qui en fait un hub important dans la région. En 2021, lorsque d'autres ports étaient saturés en raison de la pandémie, des marchandises ont été redirigées vers notre port en raison de sa sécurité et de ses infrastructures.

4. Quels sont les projets d'expansion ou d'amélioration prévus pour augmenter la capacité et l'efficacité du port ?

En ce qui concerne les opérations stratégiques prioritaires, le projet d'extension du quai de 250 mètres, connu sous le nom de "Poste 8", est crucial pour accueillir des navires plus grands. Cependant, des investissements supplémentaires sont nécessaires pour achever ce projet et pour draguer les zones adjacentes.

Pour développer davantage le tourisme de croisière, des investissements dans des infrastructures dédiées et une meilleure coordination entre les acteurs impliqués seront nécessaires. Le PANC a le potentiel de devenir un acteur majeur dans la région, mais cela exigera des investissements significatifs et une vision à long terme.Par ailleurs, des réflexions ont été menées sur la modernisation du port, avec la création de nouveaux postes et une meilleure organisation, y compris la mise en place de services d'exploitation et de sécurité.

5. Pouvez-vous nous donner plus d’information sur la pêche, les chantiers navals et les navires scientifiques ?

Pour le secteur de la pêche, l'expansion de la flotte pourrait être multipliée par trois ou quatre, créant ainsi de nouvelles opportunités d'emploi. En parallèle, le développement de la réparation navale nécessite d'établir des chantiers et de bâtir une solide réputation. Une fois ces fondations posées, des projets plus ambitieux, tels que la mise en place d'un dry dock et la construction de minéraliers, pourront être envisagés.

Concernant les navires scientifiques, il est nécessaire de créer un quai dédié à ces activités. De plus, il est essentiel de saisir les opportunités offertes par le trafic maritime dans la région en proposant des services de maintenance et de ravitaillement pour les navires en transit.

6. Quelle est votre message final aux lecteurs de Le Point ?

Il est impératif de s'adapter aux évolutions du marché maritime, notamment en tenant compte des récentes réformes concernant les grands ports en France. Malgré les défis rencontrés, il est évident que des opportunités se présentent pour renforcer la position du port et stimuler son développement économique.